Tapage 40

L’assurance est dans le pré

By 12 mars 2017 No Comments

Le régime agricole est l’une des quatre options de la Sécurité sociale avec le régime général, celui des travailleurs non-salariés et non agricoles et les régimes spéciaux de salariés et fonctionnaires.

Il regroupe deux types de populations distinctes : les salariés agricoles et les exploitants agricoles. Cette division est une construction arbitraire « justifiée » par le statut lié à la possession de la terre et non pas à la nécessité de sécurité. Nous verrons dans la suite de l’article que cette place accordée au foncier et à la ferme demeure un critère de différenciation sociale dans l’accès aux prestations.

Depuis 1947, le régime agricole de la Sécurité sociale est géré par la Mutualité sociale agricole (MSA) qui collecte les cotisations en une caisse unique. Cela la différencie du régime général où le recouvrement est effectué par branche. Dans la même optique, la MSA a recours à un guichet unique pour prendre en charge les prestations d’assurance maladie, les accidents du travail et les maladies professionnelles, les retraites et les allocations familiales. Plusieurs étapes jalonnent la création de ces prestations : 1952 pour l’assurance vieillesse, 1962 pour l’assurance maladie et invalidité, 1966 pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Les allocations familiales avaient été mises en oeuvre dans le cadre de la loi Tardieu du 11 mars 1932, mais son application au secteur agricole ne fut effective qu’en 1938.

La MSA est l’héritière lointaine des caisses mutuelles de 1900 qui étaient organisées et gérées à l’échelle locale et assuraient les accidents du travail des exploitants agricoles, les incendies et la mortalité du bétail. 1922 est une année-clef qui voit l’État organiser la protection sociale pour les accidents du travail, sauf pour les salariées de l’agriculture, et créé des sections départementales, et non plus locales (Vincent 2008). Le rôle de l’État s’accroît considérablement lors des lois de modernisation de l’agriculture des années 1960 et 1962, lois suscitées par le ministère de l’Agriculture et par le syndicat FNSEA-CNJA. Mais, au-delà, c’est toute une filière d’encadrement qui se structure. Des liens se mettent en place au sein de la Confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit en agriculture (CNMCCA) qui regroupent outre la MSA, la banque Crédit Agricole, l’organisme d’assurance Groupama, de grandes coopératives agricoles. Sous l’influence de la FNSEA, ces organisations professionnelles exercent des pressions auprès du ministère de l’Agriculture pour faire reconnaître l’exploitation agricole plutôt que l’agriculteur comme entité représentative de l’activité agricole. Ce principe contredit le principe d’assurance à la personne que représente la sécurité sociale et que véhicule toujours la MSA (Vincent 2008)

Cette logique d’exclusion de l’agriculteur, essentiellement des petites paysanneries, au profit de l’exploitation agricole est désormais inscrite dans la loi d’avenir pour l’agriculture adoptée le 24 juillet 2014. Celle-ci stipule qu’il faut posséder un minimum d’hectares ou d’animaux. Le président de l’époque de la FNSEA se réjouissait de cette mesure et annonçait avec bravoure : « celui qui a deux hectares, trois chèvres et deux moutons n’est pas agriculteur » (Le Canard enchaîné, 30/07/2014). Et, il ne sera pas non plus bénéficiaire du régime agricole. Dans le cas des petites fermes, le devenir du pré est mieux assuré, car hypothéqué ou susceptible de venir grossir les surfaces d’un agriculteur voisin, que le devenir du paysan.

Pour en savoir plus : Vincent J., 2008. La mutualité sociale agricole au carrefour de plusieurs mondes, revue Pour, n° 196-197, p. 189-198.