Tapage 37

Lutte sociale et des syndicats en Bolivie

By 12 octobre 2016 No Comments
Les luttes sociales en Bolivie présentent deux particularités : elles s’appuient sur des structures traditionnelles datant de l’époque préhispanique, et elles ont en général un cadre institutionnel (n’oublions pas que le président, Evo Morales, est lui-même arrivé au pouvoir par le syndicalisme, et qu’il exerce toujours des responsabilités dans ce cadre)

Avancées sociales
La Bolivie va plutôt bien socialement depuis l’arrivée du MAS (Movimiento al socialismo) au pouvoir en 2006 : les salaires augmentent régulièrement et significativement, l’âge de la retraite a été baissé, les petits agriculteurs (majoritaires dans ce pays rural) reçoivent des aides très substantielles en matériel et en formation de la part de l’état. Ces progrès s’appuient en sur les syndicats et « communautés ».

Les « communautés » boliviennes
Elles sont aussi appelées ayllus, d’après un terme quechua (la langue des Incas). Elles sont un exemple de démocratie directe, et impliquent une possession communautaire (par ethnies ou par familles) des terres et des moyens de production. Les décisions concernant en particulier l’usage et la distribution des terres, ainsi que les voies de communication, mais aussi l’installation de dispensaires ou d’écoles, sont prises par l’ensemble de la communauté. Ce système, loin de péricliter comme dans d’autres pays andins, est favorisé par le pouvoir en place, et les ayllus sont regroupés au sein de la désormais puissante CONAMAQ, qui présente directement au gouvernement les revendications populaires.

Syndicats et indigénisme
On retrouve ce côté traditionnel et communautaire chez les syndicats, florissants en Bolivie (deux millions d’adhérents par exemple pour le plus important, la COB) : le discours marxiste est souvent bousculé par des revendications sur les droits des peuples autochtones (il y a 37 ethnies reconnues dans le pays, et autant de langues officielles !), sur l’intégrité territoriale des communautés, la nécessité de favoriser la médecine et les pratiques culturales  traditionnelles (très peu de pesticides employés)… Le « katarisme » influence encore la pensée syndicale (cette mouvance indigéniste remonte à la révolte de Tupac Katari , indien quechua du dix-huitième siècle ayant mené une rébellion contre les Espagnols), et l’un des mouvements de femmes paysannes les plus actifs au sein de la COB  s’appelle Bartolina Sisa, du nom de l’épouse de Katari  (à noter que les deux meneurs évoqués mourront atrocement suppliciés puis découpés en morceaux sur ordre du vice-roi  d’Espagne)

Evo Morales
Il a été longtemps représentant du Syndicat des producteurs de coca, et il figure toujours dans les instances de ce mouvement de lutte sociale en faveur des cocaleros ou petits cultivateurs de coca. L’action menée par Morales a été particulièrement bénéfique, puisque le président s’est d’abord opposé à la présence en Bolivie de la DEA nord-américaine, qui, sous prétexte de lutter contre la culture de la matière première de la cocaïne, maltraitait et ruinait les cocaleros tout en essayant de déstabiliser le nouveau régime socialiste. Morales a défendu la culture et la consommation traditionnelles de la coca (une plante à très faible toxicité à l’état naturel), et expulsé la DEA en 2008, et les cocaleros prospèrent depuis lors (il est vrai qu’une partie importante de la récolte finit encore dans le « narcotrafic » ; mais, sous l’impulsion du gouvernement et par la destruction de cent-trente mille hectares de cultures illégales, cette proportion est en baisse constante, comme le soulignent régulièrement les Nations-Unies)

L’implication institutionnelle dans les luttes sociales n’est cependant pas infaillible. Evo Morales s’est montré inflexible dans le conflit parfois violent qui l’a opposé aux indiens du Tipnis, région dans laquelle le gouvernement a décidé sans concertation de détruire un parc naturel et de démembrer des terres communautaires afin de construire une route.