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A l’origine du syndicalisme

By 21 mars 2016 No Comments
Le syndicalisme est un mouvement ayant pour objectif de grouper des personnes exerçant une même profession en vue de la défense de leurs intérêts. Les syndicats (du grec sun, « avec », « ensemble », et « dikê » justice) se développent à la faveur de la révolution industrielle. Nous verrons, à travers leur histoire en quoi ils sont liés aux idées et mouvements politiques de leur époque.

Un mouvement politisé lié à la révolution industrielle.

Le syndicalisme qui naît en Europe occidentale et en Amérique du Nord à la fin du XVIIIème siècle et au début du XIXème siècle a ses racines dans les nombreuses associations ouvrières telles que les mutuelles, les sociétés d’entraide ou fraternités. Les premiers syndicats apparaissent en Europe occidentale et en Amérique du nord dans les années 1820. Même s’ils sont inspirés par le mutuellisme et la fraternité maçonnique (sociétés d’entre-aide des corporations de métiers sans revendications politiques), ce sont le socialisme et l’anarchisme qui vont les inspirer à cette époque d’industrialisation, d’urbanisation et de naissance de la classe ouvrière.  Ainsi, en 1864 Karl Marx crée l’A.I.T. (Association Internationale des Travailleurs) qui se donne pour tâche d’impulser toute forme d’organisation ouvrière, politique ou syndicale, dans le cadre de la théorie de la lutte des classes. La place qu’occupent les syndicats socialistes est considérable dans le monde. L’intervention des partis socialistes est souvent directe dans la création de syndicats nationaux. C’est le cas en Allemagne en 1868, lorsque le parti social-démocrate fonde la Ligue des syndicats allemands ; ou en 1890, en Belgique, lorsque le parti ouvrier belge décide la constitution d’une Commission des syndicats qui joue le rôle d’une confédération. Sont également d’inspiration socialiste l’éphémère Fédération nationale des syndicats (1886-1895) créée en France par les guesdistes, l’Union générale du travail espagnole (1888), ainsi que bien d’autres syndicats en Europe ou en Amérique latine. La constitution par le Trades Union Congress (TUC) britannique (créé en 1868) d’un parti du Travail, ou parti travailliste, se fait également avec la participation de socialistes. En somme, les syndicats modernes sont à l’origine organiquement liés aux projets socialistes de révolution sociale dont l’ennemi commun est le capitalisme.

Dépendance ou indépendance du politique et du syndical ?

Parallèlement, le mouvement de fédération se poursuit en France : on compte 63 fédérations professionnelles en 1905. C’est l’affiliation à une Bourse du travail ou à une fédération nationale qui ouvre le droit d’adhésion à la première centrale syndicale, la Confédération Générale du Travail (CGT) créée à Limoges en 1895. La charte d’Amiens (1906) consacre cette indépendance syndicale, tout en réaffirmant le principe de la lutte des classes (Marxiste, donc politique) et assigne ses buts au syndicalisme : défense des travailleurs, lutte pour l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail. La création de la IIIe Internationale provoque une scission au sein de la CGT et du parti socialiste. Les « révolutionnaires », qui comptent, aux côtés des tenants du courant anarchiste traditionnel, des partisans de la théorie léniniste du syndicat, fondent en 1921 la CGTU (Confédération Générale du Travail Unitaire) d’inspiration anarchiste qui juge la CGT trop « réformiste ». Pour autant, cette dernière adoptera, après-guerre, une ligne politique dite « classe contre classe » très inspirée de la doctrine du PCF.

De la pluralité syndicale à la crise actuelle du syndicalisme français

Depuis l’après-guerre, des tendances à la diversification se manifestent : les minoritaires réformistes de Léon Jouhaux quittent la CGT pour fonder Force ouvrière ; plus tard, en 1964, une minorité refuse la transformation de la CFTC chrétienne en une CFDT laïque. Depuis lors coexistent la CGT, la CFDT, la CFTC, FO, la CFT, la FEN (Fédération de l’Éducation Nationale, issue de la CGT), la CGC (Confédération Générale des Cadres) La crise de mai 1968 révèle les démarches différentes des trois principales centrales : la CGT privilégie les revendications matérielles ; la CFDT préconise une action à caractère social et politique (notamment l’autogestion) ; FO, plus réformiste, prône la politique de concertation systématique avec le patronat et les pouvoirs publics.

Cette pluralité de syndicats ne partageant plus l’anticapitalisme et la révolution comme théories fédératrices, témoignent d’un changement d’époque à travers leurs différences doctrinales. A partir des années 1980, la révolution néo-libérale engendre des économistes du même nom et leurs relais politiques (Thatcher et Reagan au premier chef) Faut-il accompagner l’économie marchande ou s’y opposer ? Cette interrogation est évidemment dépendante des modèles de philosophie politique dominant l’époque, et souligne que le syndicalisme est partie prenante des luttes Gramsciennes. Faire comprendre que cela relève de l’éducation populaire qui doit chercher à rendre intelligibles les conditions de vie/de travail « objectives et subjectives » (Marx) ne relève-t-il pas de l’éducation populaire ?